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Lectures et chroniques...

Chroniques portant sur des polars, mais pas seulement. Vous y trouverez aussi quelques entretiens avec des auteurs. Blog de Jacques Teissier

Les « terribles secrets » d’Alexis Aubenque

stone island  

Sa trilogie sur River Falls, avec son enquêteur fétiche Mike Logan, a connu un vrai succès, dont le point d’orgue a été l’obtention du prix du polar Cognac 2009 pour un automne à River Falls. Alexis Aubenque entame avec Stone Island le premier volet d’une nouvelle série en nous proposant par la même occasion un enquêteur tout neuf, en tout cas pour le lecteur : Jack Turner.

 

Exotisme, sombre histoire familiale, jeune avocate sympathique (d’autant plus sympathique qu’elle n’a jamais exercé son métier et conserve ainsi des principes en béton armé), enquêteur pugnace, beau gosse et tiraillé entre deux ex-petites amies, plusieurs meurtres horribles (tant qu’à faire...) commis sur une île habituellement paisible... vous le voyez, Alexis Aubenque a réuni dans ce roman certains ingrédients qui devraient assurer à son roman un honorable succès de librairie.

Côté exotisme, nous avons un imaginaire archipel anglophone perdu dans le Pacifique, petit état indépendant, touristique, animé et moderne, tourné vers une Australie que l’on imagine assez proche. Naturellement, c’est un lieu pourvu de plages dorées, de cocotiers, d’une mer cristalline idéale pour surfer, jouxtant une jungle verdoyante et des massifs montagneux. De quoi satisfaire les rêves d’un ailleurs du citadin stressé qui, après son métro bondé, son RER saturé ou son périphérique embouteillé, dans un petit matin frisquet aussi triste que poisseux, va pouvoir s’évader grâce à l’auteur vers des cieux plus cléments.

 

Côté histoire familiale, celui-ci a fait fort : c’est peu de dire qu’elle est sombre, elle est carrément ténébreuse ! Abandon d’enfant, famille très riche, père qui n’est pas celui que l’on croit, adultères successifs sur deux générations, enfants illégitimes et morts suspectes... nous trouvons là quelques éléments qui devraient permettre aux nombreux fans d’Aubenque de passer un bon moment de lecture !

 

Au-delà de cette histoire familiale complexe, l’aspect le plus intéressant du livre porte sur les relations entre certains autochtones Ma’ ohi, soucieux de préserver leur culture, et les descendants des anciens colonisateurs occidentaux. Certes, l’île de Stone Island est imaginaire, mais elle est située au cœur de l’océan Pacifique et l’auteur s’est documenté sur la culture et les traditions des populations indigènes des archipels : un petit plus pour le lecteur. 

 

Cependant, le plaisir que procure une intrigue complexe est contrebalancé par l’écriture, qui ne se situe pas au même niveau d’exigence. Elle se révèle plate et banale, l’auteur abuse des clichés comme des adjectifs, toutes choses qui peuvent gâcher la lecture. Ainsi, en nous présentant son personnage principal : « trois semaines plus tôt, elle obtenait son diplôme d’avocate à la prestigieuse université de Yale dans le Connecticut, et à présent elle survolait ces somptueuses îles de Polynésie ». Au fil des pages, nous découvrons des spectacles « d’une rare splendeur », un océan qui offre au personnage une « somptueuse vision », le cœur du flic qui « bondit dans sa poitrine »... il faut bien reconnaitre que l’accumulation de ces poncifs pendant les quatre-cents pages du roman est plutôt lassante. Compte tenu de ce que j’ai dit plus haut de l’intrigue, il y aurait de quoi ressortir la formule consacrée lorsque l’on parle d’un polar médiocrement écrit, qui consiste à dire qu’il serait possible d’en tirer « un bon film » !

 

Oscillant entre polar et aventures, Stone Island n’est donc pas un livre inoubliable. Cependant, publié en poche à un prix raisonnable, il peut tout de même permettre aux lecteurs les plus attachés au suspense et à l’intrigue de passer un bon moment cet été, lorsqu’ils seront allongés sur le sable fin de la plage d’une somptueuse île de Polynésie, en contemplant, entre deux chapitres, un paysage d’une rare splendeur...

 

Alexis Aubenque, Stone Island, éditions du Toucan, 440 p., 9 € 40

 

Cet article a également été publié sur Médiapart le 8 juin 2013

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